Odyssée 1-4

Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage
Joachim du Bellay

Il y a probablement eu dans la tradition épique grecque orale des récits concernant le cycle de la Guerre de Troie, de ses origines jusqu'aux retours des guerriers achéens en Grèce, ces derniers récits sous le nom de nostoi, " retours ". L'Odyssée se situe dans cette tradition : elle fait allusion à la mort d'Achille et de nombreux autres héros à Troie même, tel Antiloque, l'un des fils de Nestor au retour tragique de certains autres et en particulier Agamemnon, tué par son épouse Clytemnestre avec l'aide de son amant Egisthe, ou au retour relativement rapide malgré un détour par l'Egypte de Ménélas et Hélène. Le nostos mouvementé et chronologiquement long d'Ulysse.L'Odyssée telle que nous l'avons aujourd'hui est construite d'une manière complexe - complexité déjà connue et analysée dans l'Antiquité, en particulier dans la Poétique d'Aristote. Sans entrer ici davantage dans le détail (voir la bibliographie), le narrateur "Homère" raconte du chant I à IV ce qui se passe autour de Pénélope et Télémaque dans l'île d'Ithaque, avec le périple de Télémaque dans le Péloponèse, chez Nestor à Pylos, puis chez Ménélas et Hélène à Sparte-Lacédémone. Au chant V, tandis qu'Ulysse pleure sur son exil chez la nymphe Calypso, il nous emmène dans l'Olympe où les dieux débattent sur le sort d'Ulysse et décident de l'aider à rentrer chez lui. Calypso aide Ulysse à se construire un navire et l'équipe pour le voyage, qui commence donc à proprement parler au chant V : Ulysse arrivera en Ithaque après diverses péripéties au chant XIII. Le texte, tel que la tradition nous l'a conservé en grec et dans diverses traductions, a suscité de nombreuses oeuvres dans les lettres et les arts. Par exemple, l'un des premiers opéras de notre tradition musicale, Le retour d'Ulysse en sa patrie, dû à Claudio Monteverdi. Ou au cinéma les différentes versions dans des reconstitutions grand public du genre peplum ou dans des versions inspirées d'Homère de manière plus indirecte, comme Le Regard d'Ulysse de Théo Angelopoulos.

La construction de l'Odyssée et les étapes du voyage

Telle que nous l'avons aujourd'hui (nous éviterons les spéculations de reconstruction d'un texte plus ancien telles qu'on les rencontre dans l'édition de Victor Bérard aux Belles Lettres) l'Odyssée se compose d'un récit à la troisième personne, attribué à "Homère", et d'un long récit à la première personnne que le héros est censé faire aux Phéaciens, de ses voyages depuis la fin de la guerre de Troie jusqu'à l'arrivée dans leur île.

Les étapes du voyage et les moments du récit

Si l'on examine les différents moments et étapes rapportés par les récits d'Ulysse, on peut analyser les étapes de son voyage et tenter de dresser une cartes de son voyage de retour - et même en fait plusieurs cartes différentes, au moins trois suivant les hypothèses principales.

Au chant V, le narrateur montre Ulysse chez la nymphe Calypso (dont le nom ambigu signifie à la fois "abri" et "cachette"), pris par un violent "désir du retour". Les dieux dans l'Olympe décident d'aider Ulysse dans son entreprise et incitent Calypso à l'aider. Ils construisent un bateau et Calypso donne à Ulysse des vivres. Après une violente tempête, il arrive dans une île et s'endort, nu, caché dans un buisson. Au chant VI, il est éveillé par des jeux de jeunes filles venues faire la lessive. La moins timide d'entre elles, Nausicaa, comparée à Artémis chasseresse, lui donne des vêtements et lui indique comment se rendre à la ville et au palais de son père, le roi Alcinos.

Chez les Phéaciens, parmi les rituels d'hospitalité, on fait chanter l'aède DEMODOCOS (l'aède chante dans deux épisodes différents d'abord la Querelle d'Ulysse et d'Achille, puis l'épisode du Cheval de Troie).

Les récits d'Ulysse et les 14 étapes du voyage

Les récits d'Ulysse commencent au chant IX de l'Odyssée ; on peut compter les étapes en notant l'enchaînement entre le récit par Démodocos de l'épisode du Cheval, l'émotion provoquée chez Ulysse par ce récit, et son propre récit (Troie : point de départ implicite du voyage).

1- chez les Cicones, IX, 1-61
2- chez les Lotophages mangeurs d'Oubli, 62-104
3- les Cyclopes, 105-461
4- dans l’île d'Éole, maître des vents, X,1-79
5- chez les géants Lestrygons, X, 80-132
6- dans Aiaiè, l'île de la magicienne Circé, X, 133-574
7- chez les Cimmériens, pays qui ne voit pas le Soleil : entrée des Enfers (chant XI en entier)
8- retour chez Circé, XII, 1-164
9- passage près des Sirènes, XII, 165-200
10- Charybde et Scylla, XII, 201-259
11- l'île du Soleil, XII, 260-390 : le festin impie fait par les compagnons d'Ulysse avec les boeufs du Soleil, animaux sacrés auxquels Circé avait recommandé de ne pas toucher, provoque la colère du dieu qui déclenche une tempête dont Ulysse est seul à réchapper. Après 10 jours, il arrive
12- chez Calypso, et interrompt son récit car il a déjà raconté aux Phéaciens son séjour chez "la nymphe bouclée".

Si Troie est le point de départ du voyage et l'île de Calypso la douzième étape de son voyage, Schérie, l'île des Phéaciens est la treizième, et Ithaque, terme qui sera atteint au chant XII, la quatorzième.

Le navire magique des Phéaciens y ramène Ulysse endormi -sans rames ni gouvernail- au chant XII en une nuit. Au début du chant XIII, après s'être éveillé sans reconnaître ni son pays ni la déesse Athéna travestie qui le mystifie ironiquement, il passera par une série d'épisodes de reconnaissances, autre partie de l'Odyssée.

Quant aux Phéaciens, le texte semble suggérer qu'il s'agit d'un pays qui n'existe plus et n'a laissé aucune trace : un oracle leur avait prédit que leur pays serait enfoui sous une montagne et le navire magique qui a amené Ulysse est transformé en rocher au moment où il a déposé son passager endormi et les cadeaux que les Phéaciens lui ont offerts.

L'Odyssée est mystérieusement ouverte sur un autre voyage d'Ulysse après son voyage de retour, par la prédiction de Tirésias au chant XI : il devra repartir, un aviron sur l'épaule, et quand il arrivera dans un pays qui ne connaît pas la mer, où les gens prendront son aviron pour une pelle à vanner, il faudra planter l'aviron en terre et offrir au dieu Poséidon un sacrifice de purification...

Cette ouverture sur l'avenir, d'autres voyages et d'autres aventures, à son tour donné naissance à d'autres textes, parmi lesquels les Voyages de Télémaque de Fénelon et l'un des plus beaux poèmes de Séféris

Les cartes des voyages d'Ulysse

Nous proposons de suivre avec le navire d'Ulysse les différentes étapes de son voyage, de Troie jusqu'à Ithaque en 14 étapes, sur trois cartes correspondant en gros aux trois hypothèses différentes (et incompatibles entre elles) concevables et réellement proposées par les savants et les navigateurs :

Ulysse parcourt la Méditerranée réelle, de l'Asie mineure jusqu'à Gibraltar (les Colonnes d'Héraclès) : hypothèse soutenue en France en particulier par Victor Bérard, qui a consacré une partie de sa vie à tenter de retrouver en Tunisie, à Malte etc. les traces du passage d'Ulysse en identifiant les descriptions (en réalité un peu passe-partout...) de l'Odyssée avec les lieux réels qu'il visitait et photographiait.

L'itinéraire d'Ulysse comporte une part dans le monde réel, mais aussi une extrapolation dans un monde qui relève de l'imaginaire : cette hypothèse soutenue en France en particulier par Gabriel Germain, qui a rencontré l'adhésion de nombreux spécialistes étrangers, correspond pour nous mieux à la structure textuelle de l'Odyssée et au fait que tous les épisodes comportant des monstres quelconques (géants, mangeurs de Lotos, hommes n'ayant qu'un oeil, magiciennes capables de métamorphoser des hommes en animaux, îles flottantes avalant des navires, voix sans corps qui charment les marins et les amènes à fracasser leur navires sur des rochers...) interviennent exclusivement dans les récits que fait Ulysse chez les Phéaciens, avec une justification psychologique possible qui vient de la diffuclté à justifier dix années d'absence.

Ulysse serait allé dans l'Atlantique, jusqu'en Islande peut-être si la description des Cimmériens comme un peuple qui ne voit pas le soleil, et des gouffres par où l'on pénètre dans les Enfers, correspond géographiquement aux contrées nordiques où les nuits en hiver sont très longues. Cette hypothèse a été soutenue par le navigateur Alain Bombard qui a tenté de refaire le même voyage pour prouver qu'elle était possible...


Site d'origine : http://www.u-grenoble3.fr/stendhal/homerica/voyages/index.html
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